Diversifier ou mourir
Citation
CTA. 2006. Diversifier ou mourir. Spore, Spore 122. CTA, Wageningen, The Netherlands
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Abstract/Description
Les nouvelles règles du commerce menacent à présent les industries bananière et sucrière et les petits producteurs ACP qui en dépendent. Vers quelles solutions de emplacement se tourner ?
Notes
Les préférences commerciales de l’UE ont longtemps été vitales pour les pays ACP en marge de l’économie mondiale. Les nouvelles règles du commerce menacent à présent les industries bananière et sucrière et les petits producteurs qui en dépendent. Vers quelles solutions de emplacement se tourner ?
On le savait depuis quelque temps déjà, mais cela reste dur à accepter. L’érosion des marges préférentielles des pays ACP sur les marchés européens du sucre et de la banane est à présent établie, annonçant des temps plus difficiles pour de nombreux producteurs. Ceux des Caraïbes et du Pacifique risquent d’être le plus durement touchés, leurs problèmes étant aggravés par l’exiguïté de leurs marchés et la vulnérabilité de leurs secteurs d’exportation. Pour les producteurs ACP, l’espoir réside dans la diversification. Mais trouver de nouveaux produits – et de nouveaux marchés – est malaisé et le temps presse.
Les Protocoles sur le sucre et la banane, selon des accords de plus de 40 ans, garantissaient la protection des marchés d’exportation vers l’UE de ces deux produits. Sous la pression de la concurrence, ces préférences sont radicalement remises en question. Pour le sucre, l’UE a annoncé en novembre 2005 une réduction de 36 % sur quatre ans du prix payé aux pays ACP. Et en décembre elle a confirmé à Hong Kong sa décision d’appliquer un nouveau tarif d’importation à la banane dès janvier 2006. Ce tarif de 176 € par tonne pour l’Amérique latine est trop faible selon les pays ACP pour protéger leur position sur le marché européen. C’est le dernier round d’une bataille de cinq ans déclenchée par les producteurs latino-américains qui dénonçaient l’iniquité de la réglementation UE sur la banane. Le nouveau régime tarifaire préservera-t-il les bénéfices des producteurs ACP ?
Ces quarante dernières années, les tarifs préférentiels ont été indispensables aux nombreux pays ACP producteurs de sucre et de banane. La rupture sera douloureuse. Pour la Barbade, le Belize, Fidji, le Guyana et le Swaziland, le transfert actuel de revenu issu du Protocole sucre équivaut à 50 $ US (42 €) par habitant. Il s’élève à 150 $ US (126 €) pour l’île Maurice. Historiquement, les exploitations bananières familiales forment la colonne vertébrale de l’économie de nombreux pays ACP.
Qui sera perdant ?
Selon l’Overseas Development Institute (ODI), ce sont la Dominique et Saint-Vincent qui subiront les pertes les plus lourdes pour la banane, le Guyana pour le sucre et le Belize pour les deux. Les répercussions se feront sentir aussi ailleurs. Le sucre génère 24 % du PIB du Swaziland. Aux Fidji, la production de canne à sucre assure 42 % du revenu agricole et sa transformation 30 %. Le Groupe sucre des ACP estime que la chute des prix conduira à des pertes annuelles de 400 millions d’euros, entraînant “chômage massif, instabilité rurale et migration urbaine”. Selon une estimation, les pertes d’emplois dans le secteur de la banane des quatre pays producteurs de l’Organisation des États des Caraïbes orientales s’élèveraient à 84 %.
Conscients de l’inéluctabilité du changement, certains pays ACP ont commencé à délaisser ces productions historiques. Saint-Kitts a fermé sa compagnie sucrière d’État en juillet 2005, Trinité en 2003. Mais un gouffre sépare les deux groupes de pays ACP touchés par ces nouvelles règles commerciales : ceux qui comme l’île Maurice connaissent un développement solide et stable et d’autres comme la Dominique dont tous les espoirs sont fondés sur un seul produit. La Commission européenne s’est engagée à une aide compensatoire de 40 millions d’euros pour 2006 et son Projet de plan d’action de juin 2005 indiquait qu’une aide de 100 millions d’euros par an pourrait être accordée jusqu’en 2013 pour la restructuration et la diversification. Briser la dépendance à ces denrées primaires traditionnelles est difficile, mais possible avec un appui adapté. Des pays ACP le prouvent déjà avec de nouveaux produits à haute valeur ajoutée comme le gingembre, l’ail, les piments, les sauces, les chutneys et les produits bio ou équitables. Le créneau des fruits tropicaux, étroit mais en pleine expansion, n’est pas non plus à négliger.
Exercices de conversion
Les sous-produits de la canne offrent aussi des perspectives à qui envisage de poursuivre sa culture. Une étude commandée par le gouvernement néerlandais démontre le potentiel à l’exportation du bio-éthanol fabriqué à partir de canne à sucre. D’après d’autres études, la production d’électricité à partir de bagasse est un projet viable pour le Guyana et le Swaziland. Maurice compte déjà 10 centrales électriques mixtes produisant plus de 40 % de l’énergie de l’île (voir Spore 116). Selon Hans van Klink, du Groupe néerlandais pour le développement durable, “la filière sucrière peut donner autre chose que du sucre : de l’énergie et de nouveaux produits à valeur ajoutée”.
Aux Caraïbes, de nombreux petits producteurs de bananes ont déjà renoncé aux exportations. En Jamaïque, ils ciblent le marché touristique et la fabrication de chips. À Sainte-Lucie, un Programme de diversification agricole élargit le secteur des produits non traditionnels, avec des résultats probants pour la mangue, le piment et l’avocat. Beaucoup de producteurs reconvertis dans le maraîchage et l’horticulture approvisionnent hôtels et bateaux de croisière. Les perspectives de Maurice sont les plus solides, car l’île a déjà réinvesti les revenus sucriers dans le textile, le tourisme et la finance.
La diversification vers les cultures non sucrières a moins bien marché, du fait du manque de terres fertiles et de matériel agricole, bien que les biotechnologies aident à y remédier. Au Kenya, les agriculteurs assistés par le Programme communautaire pour la réhabilitation et l’environnement (CREP) ont abandonné la canne pour le vivrier. Les Fidjiens sont passés à la production de fleurs et de fruits ou exportent du vivrier traditionnel vers les communautés indo-fidjiennes d’Australie et de Nouvelle-Zélande. Parmi les produits de diversification figurent les fruits de l’arbre à pain et du jacquier, le gombo, les noix locales, le chanvre industriel et le stevia. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, la société Ramu Sugar Ltd se tourne avec succès vers l'élevage bovin, l’huile de palme et l’arachide. Autre source d’avantages comparatifs : la technologie. À Saint-Vincent, Erica’s Country-Style vend des sauces au piment et des amuse-gueule aux États-Unis par Internet. De nouvelles techniques de micropropagation in vitro du gingembre permettent aux producteurs jamaïcains de développer huiles essentielles, pesticides et remèdes. Les exportations de produits forestiers ouvrent des pistes, en particulier pour la Papouasie-Nouvelle-Guinée et les îles Salomon. Il reste à déterminer dans quelle mesure toutes ces activités compenseront les bénéfices économiques et sociaux très larges traditionnellement issus du secteur sucrier.
L’agriculture et au-delà
Hors agriculture aussi, il y a une marge de diversification. Un rapport de la Banque mondiale sur les Caraïbes suggère de nouveaux créneaux tels que le tourisme d’aventure et la création de stations touristiques haut de gamme. Les services médicaux, les technologies de l’information et de la communication (TIC) et la formation à distance peuvent aussi être développés.
Un soutien technique et des financements seront nécessaires aux producteurs pour gérer la transition. Dans de nombreux pays ACP, les marchés intérieurs sont limités et l’accès aux marchés régionaux requiert de meilleurs procédés de conservation et d’emballage. Là où des économies d’échelle sont possibles, les organisations régionales pourraient encourager de manière décisive la diversification par des programmes de recherche régionaux et l’appui aux filières. “La diversification doit commencer avant que les prix ne chutent”, exhorte le Secrétariat du Commonwealth qui propose la création d'un fonds spécial de diversification. Plus facile à dire qu’à faire. Tout en soulignant les délais notoires d’accès aux fonds européens, European Research Office observe que les négociateurs ACP feraient bien d'insister pour obtenir “une assistance précoce, opportune et efficace aux programmes nationaux de restructuration et/ou de diversification”.
Subjects
MARKETING ET COMMERCE;Collections
- CTA Spore (French) [4636]