CREDIT, PROXIMITE ET CONFIANCE
cg.contributor.affiliation | Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation | en |
cg.howPublished | Formally Published | en |
cg.issn | 1011-0046 | en |
cg.journal | Spore | en |
cg.number | 11 | en |
cg.place | Wageningen, The Netherlands | en |
dc.contributor.author | Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation | en |
dc.date.accessioned | 2015-03-19T13:49:08Z | en |
dc.date.available | 2015-03-19T13:49:08Z | en |
dc.identifier.uri | https://hdl.handle.net/10568/58777 | |
dc.title | CREDIT, PROXIMITE ET CONFIANCE | en |
dcterms.abstract | Pour payer les semences, les engrais ou le matériel, l'argent est le premier « intrant » indispensable pour moderniser les exploitations. Mais qui dit argent dit crédit et qui dit crédit dit confiance réciproque entre prêteur et emprunteur,... | en |
dcterms.accessRights | Limited Access | |
dcterms.bibliographicCitation | CTA. 1987. CREDIT, PROXIMITE ET CONFIANCE. Spore 11. CTA, Wageningen, The Netherlands. | en |
dcterms.description | Pour payer les semences, les engrais ou le matériel, l'argent est le premier « intrant » indispensable pour moderniser les exploitations. Mais qui dit argent dit crédit et qui dit crédit dit confiance réciproque entre prêteur et emprunteur, quelles que soient les formules choisies. Pour que la confiance règne entre les deux, rien de tel que la proximité. Quand les deux partenaires se connaissent et partagent les mêmes réalités, une bonne part du chemin de la réussite est parcourue. II ne peut y avoir d'agriculture moderne sans crédit. Dans les systèmes d'exploitation traditionnels qui ont longtemps prévalu dans les pays ACP et qui subsistent encore en partie, les techniques culturales n'exigent pas d'autre investissement que le temps et la sueur. Mais aujourd'hui, la recherche de l'autosuffisance alimentaire à l'échelon national implique un accroissement de la productivité. Si les moteurs de cet accroissement sont techniques, scientifiques et humains, le carburant est avant tout financier. Pour progresser, l'agriculture doit désormais être financée et le crédit agricole, sous des formes diverses, doit faire partie des intrants. Malheureusement, les opérations de financement de l'agriculture qui ont été lancées au cours des deux dernières décennies ont été rarement déterminantes et sont loin d'avoir toujours eu les effets positifs escomptés. Prêter de l'argent à une multitude disséminée de petits agriculteurs qui n'offrent aucune garantie sur leurs biens propres, subissent les aléas du climat et souvent n'arrivent même pas à bien se nourrir eux-mêmes, n'est pas chose simple. Parmi les pays en développement, l'exemple des Etats d'Afrique est particulièrement révélateur des problèmes qui se posent à l'heure actuelle dans la mise en place de systèmes de crédit agricole. Avant l'accession à l'indépendance, existaient des sociétés de prévoyance, première forme de crédit agricole qui ait réussi à octroyer avec succès des prêts à des particuliers. Deux raisons à ce relatif succès : d'une part, ces sociétés tiraient leurs ressources de taxes parafiscales -cotisations quasiment obligatoires payées en même temps que l'impôt- et, d'autre part, une sélection sévère s'opérait au niveau des bénéficiaires des crédits, éliminant d'office les clients à risque, c'est à dire les plus pauvres, au bénéfice des notables capables de garantir certains revenus. Modernisées après la deuxième guerre mondiale, successivement appelées Sociétés Mutuelles de Prévoyance Rurale, puis Sociétés Mutuelles de Développement Rural, ces sociétés ont gardé le principe des cotisations auxquelles venaient s'ajouter d'autres ressources tirées de nouvelles fonctions, comme par exemple la constitution de fonds semenciers. Ces SMDR ont commencé à mener, à petite échelle, des actions en milieu rural traditionnel. Parallèlement, un canal officieux de financement du monde rural s'instituait par la voie des commerçants impliqués dans l'exportation des cultures de rente. Ceux-ci préfinancement ces cultures sous forme de crédits souvent usuraires. Ces crédits servaient principalement à couvrir des déficits de trésorerie et visaient plutôt les dépenses courantes de fonctionnement que les coûts d'investissement, s'assimilant en cela à des crédits de campagne. Même si, après les indépendances les SMDR ont disparu, avec les crédits de traite réservés aux cultures d'exportation, des crédits de commercialisation ont pris la relève. Ces crédits ne portaient pas seulement sur les cultures d'exportation mais aussi sur les denrées commercialisées dans le pays. Ils permettaient de promouvoir l'organisation et le développement du secteur coopératif ou associatif sur lequel ils s'appuyaient. Mais là encore, si ce type de crédits a pu fonctionner et fonctionne toujours dans quelques pays et pour certains produits, c'est que les cultures sur lesquelles sont gagés ces crédits passent de façon contrôlable par un circuit de commercialisation. Cela représente une sorte de garantie. Pour le prêteur, il n'en va pas de même lorsque le crédit agricole vise à moderniser et à accroître la productivité des cultures vivrières. En Amérique latine, en Asie comme en Afrique, les tentatives de mise en place d'un crédit agricole à grande échelle ont laissé plus de souvenirs d'échecs que de réussites. Beaucoup d'institutions de financement en ont fait la dure expérience. Peu de garanties Premier écueil, l'absence de garantie. En effet, la grande majorité des paysans ne disposent pas de biens susceptibles de cautionner leur emprunt. Les terres, généralement régies par le droit d'usage coutumier, ne sont pas vendables, les plantes vivrières, la plupart du temps annuel les, ne représentent pas de capital immobilisé comme les plantations d'arbres par exemple et les quelques animaux de cour n'ont pas une valeur marchande suffisante pour servir d'hypothèque. Une case, quelques outils, une bicyclette et un poste de radio ne sont pas non plus des objets négociables pour un banquier. Cette difficulté peut être en partie contournée par la création d'associations, de groupements coopératifs, de collectivités qui pratiquent le cautionnement mutuel, formule née en Europe à la fin du XIXème siècle. Cette garantie de solidarité ne permet pas d'accroître la surface financière par tête mais introduit un élément de discipline et de moralité dans le comportement des bénéficiaires par la solidarité du groupement. En Afrique sub-saharienne, cette idée a fait son chemin. Il en va de même dans les Caraïbes. Dans les îles Tonga, elle est apparue depuis peu et facilite l'accès au crédit de petits agriculteurs qui ne pouvaient autrefois y prétendre. En Afrique anglophone, au Nigéria, cette idée de solidarité collective a donné naissance à des « Conseils paysans » qui ont acquis assez de poids pour se présenter comme interlocuteurs organisés aux services publics de l'agriculture. Mais, dans bien des cas, malgré ces regroupements, les petits agriculteurs se trouvent désavantagés et l'accès au crédit coopératif ne demeure accordé qu'aux plus grands parmi les producteurs. Une autre mesure, encore peu appliquée mais qui apparaît dans les nouveaux plans de distribution de crédit agricole, est la création de stocks paysans et villageois, de banques de céréales et de semences. Ceux-ci, non seulement permettent de sécuriser l'approvisionnement en semences, d'aplanir les difficultés alimentaires et financières des périodes de soudure, mais aussi d'échapper à tous ceux qui, vendeurs, acheteurs ou prêteurs, seraient tentés de profiter de la situation. Cette formule facilite également la mise en place d'un système de crédit dans la mesure où les stocks semenciers ou céréaliers peuvent servir de caution pour demander un crédit. Répartir les risques Si les prêteurs ne trouvent pas de garanties financières auprès des paysans, les paysans n'ont pas de garanties quant à leur récolte. Criquets, sécheresse, cyclones et autres calamités naturelles, dont le Tiers Monde ne manque pas, sont là pour le rappeler. En cas de catastrophe, les paysans se trouvent dans l'incapacité de rembourser les dettes contractées, parfois cumulées sur plusieurs années, tant en ce qui concerne les crédits d'équipement à moyen terme que les prêts à court terme, censés se dénouer annuellement. Répartir, équilibrer, diversifier peuvent être des remèdes à ces problèmes. Répartir les risques en garantissant le crédit sur plusieurs cultures et non plus sur une seule comme il était de règle. Equilibrer entre les prêts destinés aux facteurs de production (intrants, équipements) et aux crédits d'exploitation (pour couvrir les problèmes de trésorerie). Diversifier, pour assurer la sécurité de l'établissement financier, l'octroi de crédit dans tous les domaines du développement en prenant soin d'allier au secteur le plus risqué, qu'est l'agriculture, un secteur plus stable comme l'habitat, l'artisanat, ou encore le commerce. Une autre possibilité pour compenser ces aléas consiste à mettre en place des fonds de calamité ou des fonds de garantie. Ceux-ci existent déjà dans bien des pays mais sont généralement insuffisants. Ils font appel à une trop maigre épargne gérée localement ou à des bénéfices d'exploitation trop aléatoires tirés d'autres secteurs. Comme on peut s'en douter, c'est dans les secteurs agricoles les plus précaires et pour les cultures les moins rentables que les échecs les plus nombreux sont enregistrés par les établissements financiers. En effet, dans ces cas, le gain de productivité engendré par les prêts, s'il sert à se nourrir, ne permet pas de rembourser les dettes. Quantité d'opérations de crédit ont modernisé le monde rural et amélioré la productivité des cultures vivrières sans accroître les revenus monétaires des paysans, les augmentations de production céréalière étant absorbées par l'autosubsistance. Dans ces cas-là, le crédit a un effet social positif mais un effet financier nul, et dès lors, des répercussions désastreuses pour les organismes de financement. Dans les cas les plus graves le paysan peut même s'endetter sans accroître sa production. Celui qui emprunte pour acheter une charrue ou un tracteur mais qui ne maîtrise pas les connaissances techniques que la mécanisation impose pour donner des résultats, n'obtient pas de gain de productivité et ne peut pas honorer ses échéances. L'inefficacité de nouveaux facteurs de production introduits avec l'aide du crédit sans que toutes les conditions favorables soient réunies est pour beaucoup responsable des dettes et des créances accumulées aujourd'hui dans le monde rural des ACP. De nombreux cas ont été couronnés de succès, quand la distribution du crédit agricole s'est accompagnée d'actions de vulgarisation, menées par des structures d'encadrement ou des organisations de développement régional. Mais l'extrême variété des situations et la diversité des niveaux techniques des cultivateurs ne permettent pas toujours d'associer aussi bien crédit et vulgarisation. C'est pourtant dans le sens d'une meilleure intégration crédit-opération de développement que les responsables gouvernementaux, après tant d'échecs, orientent leurs réflexions. Cela revient à dire, pour les organismes de crédit : faisons en sorte que nos emprunteurs soient solvables et pour cela assuronsnous que les achats effectués sur nos crédits entraînent de réels progrès économiques. Ainsi, le crédit agricole n'est plus un facteur isolé , il s'inscrit dans le cadre d'une politique globale de développement qui comprend aussi bien la mise à disposition de nouveaux intrants mais également la formation technique, la gestion, la création de coopératives, la mise en place de stocks céréaliers, voire même l'adduction d'eau, l'approvisionnement énergétique ou encore l'alphabétisation. Le crédit agricole prend là une nouvelle dimension, celle des politiques de développement et même de la politique générale. Si les sources de financement ont leur rôle à jouer ensemble, les services gouvernementaux ont aussi une grande part de responsabilité dans la réussite ou l'échec d'opérations de crédit agricole. Cette responsabilité remonte dans le temps et porte le poids des habitudes, bonnes ou mauvaises, prises par les paysans face au crédit, de la confiance ou de la méfiance qui règne entre les partenaires. Les pratiques anciennes peuvent influencer fortement les comportements et rendre très délicate toute nouvelle opération : crédit ou subvention, les agriculteurs ne font plus toujours la distinction. Venus très longtemps de fonds publics par l'intermédiaire des banques de développement , n'entraînant aucun risque personnel, revêtant parfois un caractère quasi-automatique, les prêts agricoles ont eu tôt fait d'être assimilés à des dons. Dans tel pays, leur non remboursement, est devenu une règle générale, le prêteur ne peut plus faire confiance à son créancier. Une affaire de confiance Pour responsabiliser le cultivateur, la tendance qui prévaut actuellement est de demander aux intéressés de prendre en charge par l'utilisation de leur propre épargne une partie des investissements, les caisses de crédit ne finançant qu'une fraction, la moitié tout au plus, des projets. Mais la mobilisation de l'épargne nécessite aussi la confiance, cette fois du paysan envers 'l'Etat ou l'organisme de prêt. Qui pourra garantir aux agriculteurs que « le sacrifice » partiel de leurs maigres économies aura, à terme, des résultats bénéfiques pour eux ? Cela demande une bonne compréhension, une grande proximité et une longue pratique du travail en commun entre les communautés villageoises et les organismes de crédit. Or, les banques, les sociétés qui accordent les prêts et même l'Etat sont souvent jugés trop anonymes et trop éloignés du cercle villageois. Parfois, le paysan préfère l'usurier qu'il connaît à un prêteur, sans doute plus arrangeant, mais avec lequel il ne peut pas parler directement. C'est la cause principale de l'existence de nombreux modes d'épargne appelés informels par les économistes orthodoxes, pourtant bien réels aux yeux des villageois. C'est ainsi qu'en Afrique des associations traditionnelles d'épargne non bancarisée, appelées tontines, réunissent une dizaine de personnes environ, lesquelles cotisent périodiquement une somme d'argent dont la totalité est remise à l'un des partenaires selon une rotation déterminée. Ces institutions constituent des canaux très actifs de collecte de l'épargne interne. Une étude entreprise au Sénégal, en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Gabon et au Congo montre que dans ces cinq pays, la part de la population participant à une tontine s'élève à 28,6 % contre 13,2 % pour les livrets de Caisse d'Epargne. Sans grand risque de se tromper, on peut penser que l'écart est encore bien plus grand si l'on ne considère que le milieu rural. Ailleurs, au Rwanda, plusieurs groupements villageois se sont organisés en Associations d'Epargne et de Crédit qui ont donné naissance à des Banques Populaires. Celles-ci drainent d'importantes quantités d'argent, atteignant en 1986,10 milliards de Fcfa et participent activement à l'octroi de crédits agricoles. En Côte d'Ivoire, des Caisses Rurales d'Epargne et de Prêts sont disséminées dans le pays afin de pouvoir atteindre les petits paysans trop éloignés des grands centres urbains pour bénéficier des services fournis par les banques classiques. Ces formes d'épargnes traditionnelles et les premières institutions officielles qui en sont nées sont sans doute une voie intéressante à emprunter. Rapprocher la banque des hommes est bien la politique menée par la première banque du monde par son chiffre d'affaire, la Caisse Nationale de Crédit Agricole en France dont le slogan est « le bon sens près de chez vous ». Pour une fois l'on pourrait dire, ce qui est bon pour le riche céréalier Européen l'est aussi pour le petit producteur de mil Africain. BIBLIOGRAPHIE La mise en place de la Caisse Nationale du Crédit Agricole du Sénégal J. Roch. L'exercice du Développement. Editions de l'ORSTOM. - La participation populaire dans les coopératives d'épargne-crédit-Archives des Sciences Sociales de la Coopération et du Développement. Groupements paysans d'Afrique. Etienne Beaudoux. Marc Nieuwkerk. Dossier pour l'action-L'Harmattan. | en |
dcterms.isPartOf | Spore | en |
dcterms.issued | 1987 | |
dcterms.language | fr | |
dcterms.publisher | Technical Centre for Agricultural and Rural Cooperation | en |
dcterms.type | News Item |